8/19/2012

L'aïd au temps du choléra*



1er Chawwél 1433, 12h17.

J'aurais aimé écrire dans ma langue maternelle mais je suis lasse, trop lente sur le clavier arabe hélas. 

Alors voilà aujourd'hui c'est l'aïd mais je me sens triste et seule ... Trop vieille pour aller se balader en ville, trop grande pour jouer, trop responsable pour courir dans les rues nu-pieds, trop trentenaire pour avoir la "mehba", quelle idée ! Tout autour de moi me rappelle que ce aïd n'est pas tellement fait pour moi, que je suis passée, dépassée. Pourtant je ne suis pas très jalouse de ces enfants, de ces filles avec leurs robes identiques, leurs cheveux décorés et leurs bagues aux couleurs gaies, je ne suis pas jalouse de ces petits garçons qui ne savent pas trop quoi faire de leurs billets bancaires, il fait trop chaud, en ville il y a eu des violences suite à la prière matinale de l'aïd, il y aura trop de monde, un soleil de plomb, pas assez d'attractions, des jouets chinois de mauvaise qualité, la plupart ne sont pas bons pour la santé, il y aura des bousculades, de la sueur à volonté, non merci, j'ai de meilleurs souvenirs de l'aïd du temps de jadis. En fait je ne me rappelle de rien, si ce n'est les photos,  ah si je me souviens de la jalousie de ma cousine quand on avait acheté des vêtements comme les siens ! 

Alors que fait une demoiselle de mon âge le jour de l'aïd ? Elle passe des coups de tél, rate des appels, puis rappelle, envoie des sms, se connecte sur Facebook, ultime signe de désespoir, soupire un peu, donne la mehba à ses neveux, fait semblant d'être joyeuse, laisse échapper deux petites larmes .. et puis ne sait plus quoi faire de ce temps, elle se sent maladroite comme un adulte pris au piège, dans un manège, il a envie de jouer mais aucune attraction ne sied à ses 167 cm de long, on n'a pas prévu de jeu pour ses trente ans, alors il regarde jouer les enfants, sourit bêtement, et voilà. J'ai pas envie de manger des sucreries, Ramadan me manque, la discipline, l'organisation, manger à des heures fixes, mourir de soif, pourquoi pas ? 

Je ne sais si c'est la chaleur suffocante, les veillées tardives ou la fatigue qui a gagné petits et grands, mais depuis ce matin je n'entends pas les cris des enfants, ceux-là mêmes que je maudissais hier soir car ils ne me laissaient pas dormir avec leurs jeux pernicieux et ces détonations qui éclataient à tout moment sous ma fenêtre, ce sont ces mêmes enfants qui me manquent à présent, où sont-ils ? Que font-ils ? Je veux les entendre crier, courir et rire, mais je ne veux surtout pas de ce silence, je veux être imprégnée même de loin par l'ambiance festive, mais j'ai beau prêter l'oreille, je n'entends rien, que le silence .. 

Je suis encore jeune, mais aujourd'hui je ne peux que ressasser mes souvenirs, je regarde cette photo et comme une vieille grand-mère, je soupire .. 


Excusez ma mélancolie, j'ai oublié de vous dire : 

 مبارك عليكم العيد وكل عام وأنتم إلى الله أقرب

الحمد لله على نعمة الإسلام :)

Eh oui finalement j'ai retrouvé le sourire .. 

* En référence au fameux titre de Garcia Marquez "L'amour au temps du choléra" 

PS. Et je n'ai encore pas mentionné nos frères qui souffrent en Syrie, en Palestine, en Birmanie, et un peu partout dans le monde, une pensée à eux. 

الله المستعان

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