10/07/2013

Ma dernière dégustation



C’est ma quatrième lecture de Dominique Loreau, après "l’art de la simplicité", "l’art de la frugalité et de la volupté", "faire le ménage chez soi, faire le ménage en soi", voici enfin ma dernière dégustation : "l’infiniment peu". Si je n’ai déjà lu son incontournable « l’art de la simplicité », j’aurais été plus impressionnée par ma dernière lecture. Mais ce livre n’est qu’une reproduction plus simple et concentrée dans un format de poche, de ce que j’ai pu découvrir avant. Pour moi ça a été une sorte de révision, une révision délicieuse toutefois, des textes limpides, parsemés de belles citations ça et là, des chapitres bien structurés et organisés, mais il y a des choses auxquelles je n’adhère pas du tout. 

Dominique Loreau, grande amoureuse du Japon et y vivant depuis plus de trente ans,  a  tendance à idéaliser « tout » ce que font et pensent les japonais. Même quand il s’agit de quelque chose d’infiniment triste, Loreau trouve le moyen de l’insérer dans son livre et de lui trouver un avantage.  Comme ce passage dans un chapitre intitulé "Se libérer du fatras émotionnel", sous le titre « faire passer le soin de soi en premier », elle dit :

« Parce que les Japonaises se marient plus par convention que par amour, elles veillent en premier à leurs intérêts : santé, beauté… Elles n’attendent pas leur mari pour manger le soir, dorment tôt pour garder le teint frais, prennent tout leur temps pour le bain… Les autres vous aimeront si vous vous aimez vous-même. »

Dominique je t’aime bien mais je dois souligner le caractère vicieux de cette dernière phrase, pourquoi diable énoncer une vérité évidente après un mauvais exemple ? Aimer soi-même est une chose, se marier par convention, ne s’occuper que de sa petite personne, cultiver son image au dépens d’une vie conjugale  saine, manger et dormir sans voir son mari pourtant absent toute la journée, en est une autre. D’ailleurs comment peut-on s’aimer soi-même puis se marier par convention ? Au lieu de constater à quel point la situation de ces Japonaises est déplorable, tu nous en parle comme si c’était un exemple à suivre, un success story ?!

Je n’ai pas apprécié non plus le fait que les Japonais enseignent à leurs enfants de ne pas parler de leurs sentiments juste pour ne pas déranger les autres, cela donne à mon avis une société où chaque individu souffre en silence, et sombre dans une solitude écrasante quand bien même il serait entouré de monde.

« L’éducation japonaise est très stricte sur ce point : afficher ses émotions, quelles qu’elles soient, importune les autres. Pour que l’harmonie règne avec autrui, chacun doit prétendre être sur les mêmes longueurs d’ondes que les autres. Même si, intérieurement, il n’en est rien. »
 N’est-ce pas triste comme schéma ? Loreau en essayant de vanter les règles de vie des Japonais, m’amène au contraire à l’idée que ces Japonais ne sont soucieux que de leur image face aux autres, et que cela guide pas mal leur vie. Désolée si ça sonne comme des préjugés Dominique, mais c’est l’impression que j’ai, je me souviens d’ailleurs d’un documentaire sur le Japon, on dit qu’ils ont les taux de suicide et d’alcoolisme les plus élevés au monde. Pourquoi donc ? Peut-être parce que les hommes de retour le soir après une journée à bosser comme des automates, trouvent leurs femmes qui ne les aiment pas en train de ronfler, pour avoir le teint frais demain matin devant les voisins … ou LE voisin ? 

(J’admets toutefois que ce qu’elle dit n’est pas tout à fait faux, et que parfois il est préférable de garder ses pensées, ses sentiments, ses état-d’âme pour soi, car l’on risque de déranger les autres sans pour autant obtenir une quelconque aide, ou un quelconque réconfort. Parfois on est même déçus de voir à quel point les autres s’en moquent, parce qu’eux aussi ont « leurs problèmes » et qu’ils n’ont pas très envie de connaitre les vôtres. Pareil si on est heureux, il n’est pas sage de l’afficher devant tout le monde, notre religion nous enseigne de ne partager ses bonheurs, de ne raconter un beau rêve qu’on aurait vu au sommeil qu’avec les gens qui nous aiment vraiment, ils seront contents pour nous. Crier sur tous les toits son bonheur, son malheur, sa solitude, ses succès, ses déceptions ne nous attirera que des jaloux, des envieux, ou des indifférents. Les plus gentils feront semblant de s’intéresser et puis c’est tout. Je dis ça surtout en pensant particulièrement aux filles qui affichent naïvement toutes leurs pensées, sentiments et humeurs sur un mur froid de facebook, un mur de lamentations. Alors un petit conseil, abstenez-vous, et quand vous aurez besoin de réconfort tournez-vous à la seule personne qui vous aime, à la seule vraie amie que vous avez, parlez-lui directement, n’essayez pas de gagner la sympathie de vos 36000 « amis » en faisant des gesticulations désespérées sur un « mur » !)

La dernière chose que je n’aime pas chez Loreau c’est, en tant que musulmane, je trouve ses idées sur la vie, la mort, les croyances, un peu futiles, et trahissant un égarement et presque une sorte d’indifférence qui me sont désagréables. Et puis il y a eu cette surprenante phrase de Loreau, sous le titre : éliminer les distractions excessives : « Moins se socialiser, moins regarder la télé, moins lire… ». J’ai fait des yeux ronds Dominique, je ne te cache pas : moins LIRE dis-tu ? Toi l’écrivaine tu considères la lecture comme une distraction excessive ? Tu crois peut être que nous passons notre temps à lire tes livres simplets? :p Mettre la lecture véritable nourriture de l’esprit et de l’âme, au même pied d’égalité avec la télé abrutissante est un crime abominable, surtout venant de toi ! En tout cas, dans mon pays le problème ne se pose pas : les gens ne lisent pas.

Voilà, j’ai fini avec les « j’aime pas », place maintenant à quelques citations et passages qui m’ont marquée, en essayant d’être le plus sélectif possible. Bonne dégustation !

« Le plus grand trésor de l’homme est de vivre de peu tout en restant satisfait. Car le peu ne manque jamais. »  Sénèque.

« La meilleure définition du minimalisme est probablement celle-ci : ne jamais rien acquérir, ne jamais rien utiliser, ne jamais rien faire qui ne soit, en même temps, de la plus haute utilité et de la plus grande qualité.»  Marc Halévy, Simplicité et minimalisme.

« J’ai jeté ma coupe lorsque j’ai vu un enfant boire à l’auge avec ses mains. » Diogène.

« La civilisation est une multiplication sans bornes de nécessités inutiles. » Mark Twain.

« Si, au lieu de gagner beaucoup d’argent pour vivre, nous tâchions de vivre avec peu d’argent ? » Jules Renard.

« La publicité, c’est la science de stopper l’intelligence humaine pour lui soutirer de l’argent. » Stephen Leacock, Garden of Folly.

« N’estime l’argent ni plus ni moins qu’il ne vaut : c’est un bon serviteur et un mauvais maître. » Alexandre Dumas fils.

« Peu de cartes de crédit, encore moins de cartes de réductions et jamais de cartes de fidélité.
Les hyper marchés incitent à hyper consommer. On achète toujours avec plus de parcimonie dans un petit magasin. Hôtels, restaurants, commerces de quartier… pourquoi engraisser les multinationales qui font de honteux profits avec notre argent sur lequel ils spéculent en Bourse ? » Dominique Loreau.

« Un tiers de la nourriture que nous absorbons sert à nous nourrir ; les deux autres tiers servent à nourrir les médecins » Proverbe égyptien trouvé sur un mur de pyramide.

« On ne naît pas femme, on le devient » Simone de Beauvoir.

« La beauté c’est d’abord éliminer. Le reste se résume à très peu : une bonne hydratation de la peau, une coupe de coiffure seyante, un peu de maquillage, un soupçon de parfum et… le sourire » Dominique Loreau.

« La plupart du temps on ne résout pas les difficultés ; on les déplace , comme la poussière. » Aymont d’Alost.

« Le temps perdu, c’est le temps pendant lequel on est à la merci des autres » Boris Vian.

« Le temps est la seule richesse dont on puisse être avare sans déshonneur » Chauvot de Beauchêne.

«  La vraie liberté consiste dans la faculté de choisir ses propres contraintes » Reine Malouin. 

« Dieu est dans les détails » Flaubert.

« Tu es le maître des paroles que tu n’as pas prononcées ; tu es l’esclave de celles que tu laisses échapper. » Lao-Tseu.

« Ne prends la parole que si ce que tu vas dire est plus fort que le silence. » Euripide.

« Toutes les pensées que j’ai emprisonnées en les exprimant, je dois les libérer par mes actes. » Khalil Gibran, Sable et Ecume. 

Et une petite dernière sur l’éloge du silence :

« Vivant comme un oisif, sur quoi disserterais-je ? Un bâtonnet d’encens est ce que je respire. Si je dors, j’ai du thé ; si j’ai faim, j’ai du riz. Je marche au bord de l’eau et m’assieds face aux nuages. » Liaoan Qing.

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